Propriété Intellectuelle et Blockchain : Vers une révolution des droits d’enregistrement
La blockchain pour prouver la propriété. L’ère numérique a profondément bouleversé la gestion des droits de propriété intellectuelle (PI). Historiquement, l’enregistrement et la protection de ces droits, en particulier les brevets ou les marques, qu’ils reposent sur des systèmes centralisés et administratifs ou non, sont souvent longs et coûteux. Dans ce contexte, la blockchain s’impose comme une technologie aux potentialités disruptives. Des promesses d’optimisation de l’horodatage des créations aux smart contracts permettant l’automatisation de la gestion des licences et des redevances. La blockchain, registre décentralisé, immuable et sécurisé, pourrait offrir une nouvelle manière de prouver, d’enregistrer, de suivre et de transférer les droits de PI. Notamment grâce aux NFT (non fungible token ou jeton non fongibles). Explications.
Les points clés de cet article :
- La blockchain a bouleversé la gestion des droits de propriété intellectuelle en offrant une alternative décentralisée et immuable.
- Les smart contracts et les NFT ont permis une automatisation et une monétisation révolutionnaire des œuvres numériques.
Blockchain : Fondements technologiques
La blockchain, souvent associée aux cryptomonnaies, repose sur des principes techniques qui dépassent le cadre des transactions financières. En tant que registre distribué, elle offre un cadre décentralisé pour enregistrer et sécuriser des données de manière transparente et immuable.
Pour comprendre son application à la propriété intellectuelle, il est essentiel de saisir les mécanismes fondamentaux qui la sous-tendent et comment ils peuvent transformer l’enregistrement et la gestion des droits de propriété intellectuelle.
En effet, comme nous l’évoquions, la blockchain est un registre partagé. Il est distribué sur un réseau de nœuds informatiques, qui enregistre les transactions sous forme de blocs de données.
Ces blocs, une fois validés par consensus, sont liés de manière cryptographique aux blocs précédents. Ils créent ainsi une chaîne de blocs immuable.
Ce mécanisme garantit l’intégrité des informations enregistrées, car toute tentative de modification d’un bloc antérieur invaliderait l’ensemble de la chaîne.
Les opportunités offertes par la blockchain pour la propriété intellectuelle
Dans le cadre de la propriété intellectuelle, cette caractéristique d’immuabilité est particulièrement précieuse.
Des cas pratiques récents illustrent à quel point cette technologie peut devenir un catalyseur d’innovation, notamment via :
- l’enregistrement décentralisé,
- la gestion des droits,
- l’essor des NFT.
Horodatage inaltérable des œuvres
Elle permettrait, par exemple, d’horodater de manière inaltérable la création d’une œuvre (droits d’auteur).
Ceci permet de prouver efficacement la preuve de la paternité d’un auteur sur une œuvre. Également, enregistrer un brevet ou une marque sans recourir à des intermédiaires centralisés comme les offices de propriété intellectuelle.
Transparence et traçabilité contre la contrefaçon
Cette nature décentralisée garantit également une transparence totale et une traçabilité des droits. Ce qui est, bien sûr, essentiel dans la lutte contre la contrefaçon.
Des entreprises comme IPwe explorent des systèmes où les brevets peuvent être enregistrés, vendus, et gérés via la blockchain. Cette plateforme vise à créer un marché mondial transparent des brevets, permettant de réduire les coûts de transactions et d’améliorer la visibilité des brevets disponibles pour la licence.
L’impact des smart contracts dans la gestion des droits
L’une des avancées majeures qu’offre la blockchain dans le domaine de la propriété intellectuelle réside dans l’utilisation des smart contracts.
Il s’agit de programmes auto-exécutables. Ils sont inscrits dans la blockchain, et permettent de déclencher automatiquement des actions lorsque certaines conditions sont remplies.
Par exemple, dans le cadre de la gestion des droits d’auteur, un smart contract pourrait être utilisé pour assurer la distribution automatique des redevances aux créateurs dès que leur œuvre est téléchargée ou utilisée.
Ces contrats intelligents permettent une automatisation qui simplifie et sécurise la gestion des droits.
Prenons le cas de la licence d’exploitation d’une image ou d’une musique. Plutôt que de négocier avec chaque utilisateur ou d’utiliser des systèmes de gestion collective de droits (comme la SACEM pour la musique), un smart contract pourrait garantir l’application immédiate des termes de la licence, libérant ainsi les paiements et ajustant les droits d’usage en temps réel. Les smart contracts éliminent ainsi les intermédiaires coûteux, réduisent les délais et minimisent les risques de litiges.
Les NFT, une révolution dans la monétisation des œuvres numériques
L’évolution est particulièrement visible avec l’essor des NFT, qui révolutionnent la manière dont les œuvres numériques sont monétisées et échangées. Contrairement aux fichiers numériques classiques qui peuvent être facilement dupliqués, les NFT permettent de créer des actifs numériques uniques. Ils garantissent une unicité et une traçabilité. Les artistes, musiciens, et créateurs numériques utilisent désormais les NFT pour vendre directement leurs œuvres au public, sans intermédiaire.
Les places de marché telles qu’OpenSea ou SuperRare permettent à ces créateurs de vendre des œuvres sous forme de NFT. Elles garantissent ainsi leur authenticité et leur propriété.
Les smart contracts intégrés aux NFT permettent de coder l’exécution d’obligations, comme les redevances automatiques pour chaque revente future de l’œuvre. Ils assurent un revenu récurrent aux artistes (droit de suite).
Logo de la market place OpenSea
L’admission de la blockchain comme moyen de preuve
En principe, en France, la liberté de la preuve prévaut, ce qui signifie que, hors exceptions, les parties peuvent prouver par tout moyen.
Cependant, certaines situations exigent des preuves légales spécifiques, comme l’acte authentique requis pour la vente d’un immeuble, qui doit être rédigé par un notaire et a une force probante supérieure.
Dans ce cadre, l’admission de la blockchain comme moyen de preuve repose sur une combinaison de cette liberté et de la hiérarchie des preuves.
La blockchain pourrait être acceptée comme commencement de preuve par écrit, c’est-à-dire comme une preuve partielle renforcée par d’autres éléments, notamment en l’absence d’un écrit formel.
Cela pourrait être utilisé pour démontrer un droit ou un fait en justice.
La blockchain ne peut pas se substituer à la loi pour autant
Cependant, il est essentiel de distinguer les situations où un écrit est requis. Par exemple, pour les actes juridiques dont la valeur dépasse 1 500 euros (article 1359 du Code civil), un écrit formel est nécessaire pour prouver l’engagement.
Dans ce cas, la blockchain ne saurait se substituer à cet écrit exigé par la loi. Cependant, elle pourrait être utilisée comme commencement de preuve, nécessitant d’autres éléments pour être complète.
Dans les cas où l’écrit n’est pas obligatoire, la blockchain peut être plus facilement utilisée comme une preuve libre et autonome.
L’utilisation de la blockchain devant un juge dépendra donc de son admissibilité au cas par cas et du respect des principes de licéité (conformité à la loi) et de loyauté (obtention et présentation légale de la preuve).
Si elle ne peut pas encore être considérée comme un mode de preuve totalement autonome, elle pourrait néanmoins être utilisée dans certains cas précis.
En outre, le Code monétaire et financier permet l’utilisation de la blockchain pour l’inscription et la transmission des titres financiers depuis 2019, avec des exigences techniques imposées pour garantir l’intégrité des inscriptions et la sécurité des transactions
Source: journalducoin.com